Elisabeth Borne, notre première ministre, nous laisse entrevoir qu'elle pourrait, peut-être, réexaminer, éventuellement, la possibilité de taxer les "super-profits. Quelle audace ! Alors que son patron, Emmanuel Macron, n'a pas retenu cette option.
Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef, s'oppose à la taxation des entreprises qui réalisent ces "super-profits", déclarant que l'Etat était "le plus grand super-profiteur".
Dans le même temps, si j'ose dire tellement la formule est usée, Olivier Faure et Jean Luc Mélenchon veulent proposer la tenue d'un référendum pour trancher la question : oui ou non, faut-il taxer ces "super-profits" ? Compte tenu des conditions exigées pour faire aboutir un "référendum d'initiative partagée" (c'est comme ça que ça s'appelle), il y a peu de chance que la procédure arrive jusqu'aux votes des citoyens. Certains, ont essayé sur d'autres sujets, sans succès. Cette procédure référendaire, mise en place sous la présidence de Nicolas Sarkozy, l'a sans doute été avec l'idée qu'elle ne puisse jamais s'appliquer.
Dans ce contexte, que proposer pour rétablir un peu de justice sociale et de confiance ?
D'abord, taxer à 80% la part des revenus dépassant un certain seuil. Un ancien président, plus apte à la pratique du scooter qu'à faire aboutir une réforme fiscale, l'avait promis, mais ne l'a pas fait.
Ensuite, pour éviter les risques d'une crise systémique, rendre incompatible les métiers de banque d'affaire et de banque de dépôt.
Il serait également judicieux d'augmenter les salaires et de diminuer le temps de travail. Cela, à mon sens, serait à négocier dans le temps, secteur économique par secteur économique.
Il faudrait taxer les " super-profits " mais surtout, pour assurer la pérennité des entreprises, règlementer dans certains cas la distribution de dividendes aux actionnaires. Le profit réalisé (et ce n'est pas un gros mot) devrait servir en priorité aux investissements de demain, au développement de l'entreprise pour faire face à la concurrence et aux défis technologiques du futur.
Et puis, pourquoi pas, limiter les salaires les plus élevés à 20 fois le salaire le plus bas de l'entreprise, en gros le Smic.
Ces mesures, révolutionnaires ? Mises dans un programme d'un parti politique, aujourd'hui, elles feraient hurler. Beaucoup s'égosilleraient, criant au bolchévisme, à l'inconscience, au gauchisme pré-pubère.
Et bien pour tout dire, la taxation à 80% d'une partie des revenus pour les plus fortunés, existait aux Etats-Unis, sous la présidence d'Eisenhower, venant du Parti Républicain. Eisenhower ne passait pourtant pas pour un dangereux révolutionnaire.
La séparation des banques d'affaires et des banques de dépôt existait également aux Etats Unis qui n'est pas particulièrement un Etat socialiste depuis 1923 en vertu du Glass-Steal Act, jusqu'à ce que Bill Clinton l'abroge en novembre 1999.
En janvier 1914, Henry Ford, grand capitaliste s'il en est et que l'on ne peut suspecter de vouloir mettre à bas les institutions libérales, décident de passer le salaire journalier minimum de son personnel de 2,34 $ à 5 $ et réduit la durée du temps de travail de 9 à 8 heures par jour. Ford voulait lutter ainsi contre l'absentéisme et un fort " turnover ".
Ford, toujours lui, pour assurer la pérennité de son entreprise, refusait de distribuer des dividendes à ses actionnaires. Ceux-ci lui firent d'ailleurs un procès qu'il perdit.
John Piermont Morgan propriétaire de la banque "JP Morgan Chase & Co" et grand manitou de la finance et qui trempa dans des affaires pas toujours très honnêtes, considérait qu'un dirigeant d'entreprise ne devrait pas gagner plus de 20 fois le salaire de l'employé le moins bien rémunéré. Pourtant Morgan, était loin de correspondre à l'idée que l'on se fait d'un gauchiste.
Si ça pouvait donner des idées à Madame Borne ? Quant à Monsieur Geoffroy Roux de Bézieux si jamais... non, je ne pense pas. Laissons-le à ses "super-profits" et nous avançons.
Jean Pierre Richard