Wolinski disait vrai. Cliquez sur l'image pour l'agrandir.
On entend souvent parler de la société civile comme acteur de transformation sociale.
Après tout, que nous apporte la classe politique. Les hommes politiques ont-ils déjà, peuvent-ils, améliorer le sort de l’humanité ?
Le concepteur du "tout-à-l’égout" a sans doute fait plus pour la santé publique que n’importe quel ministre. Les chercheurs anonymement dans leurs laboratoires ou le professeur Barnard, par exemple, auteur de la première greffe du coeur, ont largement contribué à l’allongement de la durée de la vie sans participer à l’action de l’appareil d’Etat. Les inventeurs modernes, pour ne parler que notre époque, de la photographie, du cinéma, de l’aviation, de l’automobile, de l’ordinateur portable, d’internet etc. ont modifié nos modes de vie autrement que le personnel politique.
Certains répliqueront que tout cela n’a été possible que parce que des hommes politiques ont pris ou fait prendre des décisions qui ont permis ces inventions ou ces avancées sociales.
Mais, n’est-ce pas les acteurs sociaux qui ont été à l’origine de tout cela. La liberté d’association date de 1901. Est-ce à dire qu’avant les citoyens ne s’associaient pas. L’association est un phénomène naturel et nécessaire aussi vieux que l’humanité. Le législateur n’est là venu que légalement permettre une pratique qui avait cours en dehors de la loi. Est-ce que les ouvriers ne faisaient pas grève avant que le droit de grève ne soit reconnu ? Bien sûr que si ! C’est justement parce qu’il y a eu des grèves que le droit a été reconnu. Ici encore, la loi ne fait que reconnaitre une pratique sociale. Et est-ce que l’avortement n’a eu cours qu’à partir du vote de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse ? Non !
On pourrait ainsi multiplier les exemples où la loi n’a fait que sanctionner une pratique sociale. Les hommes politiques n’inventent rien. Ils suivent.
Cela est d’autant plus vrai que là où la pratique sociale est forte et vivace, la loi qui va contre, a du mal à s’imposer ou rencontre la plupart du temps un échec. La prohibition de l’alcool aux USA a été une catastrophe. Les politiques pénales répressives dans le monde entier contre le trafic et la consommation de drogues diverses mises en place avant la seconde guerre mondiale sont un échec lamentable. On a jamais non plus interdit la prostitution avec un texte. On ne gouverne pas la société par décret nous disait il y a quelques années, le sociologue Michel Crozier.
Ce n’est que quand une pratique sociale faiblit qu’une loi peut s’immiscer dans les interstices de ses retraits, pour la limiter ou la proscrire. C’est ce qui s’est produit avec l’interdiction de fumer dans les lieux publics.
Alors mettre en oeuvre une transition énergétique, changer le vieux logiciel libéral, adopter des comportements qui permettront de freiner dans un premier temps le réchauffement climatique, vivre, produire, construire, consommer différemment etc. tout cela est déjà en gestation et en réalisation dans des centaines voir des milliers de mouvements de par le monde et aussi près de chez nous. Ce changement ne viendra pas du vieux monde politique, mais d’une pratique sociale qui dépend de chacun de nous au quotidien. Je ne pense pas non plus que la politique et ceux qui la font, soient totalement inutiles. Ils ont leur raison d'être et le monde a besoin de gouvernance. Mais je ne fais aucune illusion sur leur capacité à transformer les choses ni sur la portée de leur action.
Laissons les commentateurs commenter. Il y a mieux à faire. C'est, à n'en pas douter, au regard du passé, la pratique sociale qui pourra aider à mettre en oeuvre toutes ces initiatives qui émergent et se développent pour qu’un jour le législateur prenne les lois qui s'imposeront comme une évidence.
Richard Jean Pierre.