Espace : Route des livres  -  Romans... Poésies... Polars

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Tony Hillerman

La route

Avril rouge

Cendres d'Amazonie

Rouge Brésil

Cartes postale de Grèce

Entrez dans la danse

La trilogie Athénienne 

Pukhtu

Zulu Mapuche Condor

La où se termine la terre

 

HillermanTony Hillerman

Tony Hillerman est né le 27 mai 1925 à Sacred Heart, Oklaoma et mort le 26 octobre 2008 à Albuquerque, Nouveau Mexique. Après la seconde guerre mondiale, il va travailler dans le journalisme qu'il enseignera jusqu'en 1987 à l'université d'Albuquerque. Il dira s'être inspiré de l'écrivain australien Arthur Upfield. A coté de quelques essais et romans policiers classiques, il batira son oeuvre dans un genre que l'on dénomme souvent comme "l'ethno-polar". C'est en 1970 qu'il publie son premier roman de ce type sous le titre "La voie de l'ennemi". Quasiment tous ses romans se passent dans la région des "Four corners", à la frontière du Nouveau-Mexique et de l'Arizona dans la réserve des indiens Navajos. Il met en scène deux inspecteurs de la police tribale : Joe Leaphorn et Jim Chee. 

 CarteArizona
Carte Arizona (U.S.A.)

Ces romans sont l'occasion de nous faire découvrir les habitants de cette région du sud-ouest des Etats-Unis. Il nous fait partager les coutumes des indiens Navajos en particulier celle de la tradition orale et du chant, le caractère sacré des montagnes, les cérémonies religieuses et leur goût pour la magie et l'occulte. Ses ouvrages participent à la réhabilitation des civilisations amérindiennes entreprise depuis de nombreuses années soit par des sociologues ("Ce que nous devons au Indiens d'Amérique"), soit au travers de films comme "Little Big Man" ou "Danse avec les loups".

Certains de ses romans ont été portés à l'écran, d'autres ont fait l'objet de téléfilms.

Voici deux sites pour continuer d'aller à la rencontre de cet auteur sachant que la meilleure façon de le découvrir est encore de le lire.

Le Monde : un interview de Tony Hillerman

Polar-Pourpres : Bibliographie

          

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larouteLa route

Un roman de Cormac Mac Carthy, publié en 2006 et porté à l'écran fin 2009. Mc Carthy est né aux Etats-Unis dans l'état de Rhode Island en 1933. Il est entre autre connu pour "Un enfant de Dieu", "La trilogie des confins", "No country for old men,"...
Un résumé du livre : "Il y a maintenant plus de dix ans que le monde a explosé. Personne ne sait ce qui s'est passé. Ceux qui ont survécu se souviennent d'un gigantesque éclair aveuglant, et puis plus rien. Plus d'énergie, plus de végétation, plus de nourriture... Les derniers survivants rôdent dans un monde dévasté et couvert de cendre qui n'est plus que l'ombre de ce qu'il fut. C'est dans ce décor d'apocalypse qu'un père et son fils errent en poussant devant eux un caddie rempli d'objets hétéroclites - le peu qu'ils ont pu sauver et qu'ils doivent protéger. Ils sont sur leurs gardes, le danger guette. L'humanité est retournée à la barbarie. Alors qu'ils suivent une ancienne autoroute menant vers l'océan, le père se souvient de sa femme et le jeune garçon découvre les restes de ce qui fut la civilisation. Durant leur périple, ils vont faire des rencontres dangereuses et fascinantes. Même si le père n'a ni but ni espoir, il s'efforce de rester debout pour celui qui est désormais son seul univers."
La route de Mc Carthy, c'est l'histoire d'une errance sans fin. Il n'y a plus d'ici. Il n'y a plus qu'ailleurs et nulle part. Dans un monde sans feu ni lieu, les hommes sont devenus sans foi ni loi. De fait, il ne règne qu'une loi, la sienne.
Il reste un peu de vie. "Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir" dit le proverbe. Mais c'est l'inverse qui est vrai. Tant qu'il reste un espoir, il y a de la vie. Pas d'espoir et la vie s'évapore. Il reste le suicide et/ou la destruction de l'autre. 
Pour eux, plus d'espoir. Pas de repos seulement la route sans fin. Pas le plaisir de l'insouciance seulement la dure loi de la survie à tout prix. Pas un souffle de paix, seulement la lutte contre soi-même et contre les autres. C'est l'absurde du sort de cet homme et de son enfant qui transparait à chaque page du roman. Et si ce n'était assez de leur désarroi, d'autres hommes s'ingénient à encore ajouter du malheur au malheur.
Le pire, c'est qu'il préssent que l'humanité va disparaitre. Il n'y a même plus le sentiment d'être le maillon d'une chaine. Il n'y a plus de projet, celui de se battre pour transmettre, d'être un passeur de témoin.
Ils ne sont déjà plus rien. D'ailleurs dans le livre, il n'ont pas de patronyme. C'est l'Homme, le Petit.
"Les jours se traînaient sans date ni calendrier. Le long de l'autoroute au loin, de longue files de voitures carbonisés en train de rouiller. (...) Dix mille rêves dans le sépulcre de leurs coeurs passés au gril. Ils continuaient."
Mais au-delà de la description de ce monde dévasté, sans lumière, jonché de cadavres et de désolation, n'est-ce pas notre condition humaine que l'auteur veut nous faire toucher du doigt. En décrivant cette errance sans fin, ne veut-il pas nous dire que la vie est un chemin avec la mort au bout? La vie a toujours été depuis son apparition une tragédie et un combat. Notre société consumériste nous l'a peut-être trop vite fait oublier. Un combat perdu d'avance. Mais n'est-ce pas les plus beaux!
Seul le petit porte encore, sans doute dans la naîveté de l'enfance, un embryon de rêve. A bout de force, l'homme voit venir la fin du parcours.
"Je ne peux venir avec toi. Il faut que tu continues.
....
Je veux venir avec toi.
...
Tu ne peux pas. Il faut que tu portes le feu.
Je ne sais pas comment faire.
...
Si, tu  le sais. Il est au fond de toi. Il y a toujours été. Je le vois.
...
Tu disais que tu ne m'abandonnerais jamais.
Je sais. Je te demande pardon. (...) Si je ne suis plus ici tu pourras encore me parler. Tu pourras me parler et je te parlerai. (...) Ne renonce surtout pas"
 
Il est recueilli par un couple et leurs enfants et ne renonça pas à parler à son père :
"Il essayait de parler à Dieu mais le mieux c'était de parler à son père et il lui parlait vraiment et il n'oubliait pas. La femme disait que c'était bien. Elle disait que le souffle de Dieu était encore le souffle de son père bien qu'il passe d'une créature humaine à une autre au fil des temps éternels."
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AvrilRougeAvril rouge

Un roman de Santiago RONCAGLIOLO, publié en 2009. Santiago RONCAGLIOLO est né en 1975 à Lima (Pérou). Il est scénariste pour la télévision et le cinéma, traducteur et critique littéraire. Genre policier édité au Seuil dans la collection "Points".

Résumé de l'éditeur :"Un corps est retrouvé calciné, une croix sanglante tracée à la hache sur le front. Félix Chacaltana, substitut du procureur dans la ville d'Ayacucho, s'interroge. Est-ce un retour des terroristes du Sentier lumineux ? Ou des catholiques fanatiques, qui célèbrent à leur manière le mercredi des Cendres et la semaine sainte ? Ce qui est certain, c'est qu'Ayacucho mérite son nom de « coin des morts »".

Le livre de Roncagliolo "Avril rouge"  est un polar qui se situe en mars 2000 et débute par un crime. Jusque là rien d'extraordinaire pour un roman policier. Félix Chacaltana Saldivar, substitut au procureur du district de Huamanga, se voit confier un dossier sur la mort d'un homme dont le corps est retrouvé calciné dans une grange. Chacalcana doit faire face au mutisme de la police et de l'armée et malgré lui, il va se retrouver à enquêter. Crime "ordinaire" ou résurgence du Sentier Lumineux. L'action remise dans son contexte sociopolitique nous plonge dans les coulisses d'un conflit entre l'armée et la guérilla du Sentier Lumineux" des années 1980-1990 et de la terrible répression subie par les populations locales, victimes co-latérales de cette lutte sans merci. On y trouve également de nombreuses références à la culture andine. Tout cela fait de ce livre autre chose qu'un simple "polar", un témoignage sur une époque et sur un pays.

L'auteur évite les jugements simplistes. Tous les personnages, sendiéristes, policiers, militaires, curés y compris l'enquêteur, ont leur part d'ombre. Des personnages tourmentés comme l'époque qui revient en toile de fond et à laquelle le livre fait référence.

En voici un passage :

"Le spectacle, à l'intérieur, le déconcerta. Tout d'abord, il lui sembla voir seulement des caisses, de vieilles caisses défoncées et mises en pièces, entourées de tissus rongés par la poussière et la vermine. Mais peu après, ce en quoi il avait cru voir des roches et de la terre prit sous ses yeux des formes plus précises. C'étaient des membres humains, des bras, des jambes, certains à demi réduits en poudre par le temps, d'autres aux os nettement dessinés, au milieu de tissus et de cartons, des têtes noires et terreuses entassées les unes sur les autres, tout un tas de restes humains de plusieurs mètres d'épaisseur. On ne voyait même pas la fin de cette accumulation d'os et  de cadavres désséchés."

et puis ce dialogue entre l'enquêteur et le commandant (sans doute responsable de certains massacres) :

"Vous croyez que nous sommes une bande d'assassins, n'est-ce-pas, Chacaltana? (...) Je ne sais pas... pourquoi vous dites ça commandant.

-Ne faites pas pas l'âne, Chacaltana (...) Je sais aussi déchiffrer les expressions d'un visage. (...)

Le commandant laissa passer quelques minutes avant de reprendre la parole :

- Vous êtes-vous déjà trouvé en pleine guerre, Chacaltana?

- Comment, Monsieur?

- Je vous demande si vous avez connu la guerre, si vous vous êtes trouvé au milieu des coups de fusil et des bombes. (...)

Vous êtes vous jamais senti cerné par le feu, conscient que votre vie, à ce moment-là, ne vaut pas une merde? Vous êtes vous trouvé dans un village plein de gens dont vous ne savez pas s'ils vont vous aider ou vous tuer? Avez-vous vu vos amis tomber au combat? Avez-vous rompu le pain avec des hommes en sachant que c'était sans doute la dernière fois, que vous les reverriez problablement plus que dans un cercueil? (...)

Non, vous n'en avez pas la moindre idée. Vous étiez à Lima, pendant ques les vôtres mouraient, et vous lisiez des poêmes (...) Vous les intellectuels, vous méprisez les militaires parce que nous ne lisons pas (...) Notre problème, c'est que nous sommes sans cesse plongés jusqu'aux couilles dans la réalité. Nous n'avons jamais lu ces belles choses dont parlent les livres."

Voir aussi sur ce site :

les ouvrages  "¿Donde estan?" et/ou Le sentier lumineux  et l'article  "Ayacucho"

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Cendres d'Amazonie cendresamazonie

Un roman de Milton Hatoum né en 1952 à Manaus (Etat Amazonas - Brésil) publié en 2008 aux éditions Actes Sud

Résumé de l'éditeur :

"Manaus : une île fiévreuse et tragique fichée au coeur de l’Amazonie. Luxe tapageur pour les héritiers du caoutchouc et dénuement endémique pour les damnés de cette terre détrempée. Deux garçons s’y voient obligés de choisir à l’âge d’homme entre l’obéissance et la révolte : un orphelin méritant espère trouver dans le droit la justice sociale, quand le fils rebelle d’un propriétaire terrien cherche dans l’art le salut du monde. Ils sont amis à la vie à la mort, et c’est la nécessité de la différence de l’autre qui cimente leur relation. Le fils bohème est en lutte contre le père, l’épais humus de la province, la morale dominante ; autant de positions radicales que lui envie un ami certes libre de toute autorité parentale, mais qui n’a pas été éduqué à choisir. Ils sont les deux visages d’une génération élevée sous la chape de la dictature. Chacun poursuit des chimères, incapables qu’ils sont tous deux de desserrer les mâchoires d’un étau familial et géographique anthropophage. La modernité ronge l’identité des espaces primitifs symboliques de l’Amazonie, en écho à leurs blessures intimes. De leurs rêves d’avenir ne restent que des cendres, charriées par le fleuvemer, et Milton Hatoum de poser ici une pierre cardinale à l’édification de sa singulière “Comédie humaine."

Manaus Brazi1l

Un roman qui nous décrit une facette de l'histoire de ce coin du monde en se penchant sur l'histoire singulière des personnages. Un histoire où l'on perçoit toute la violence, la complexité, la sensualité, la sauvagerie de la "selva" à travers, les évenements, les sentiments et les agissements de ceux qui la font vivre. On s'aime autant qu'on se déchire. On se fuit, on se cherche. Une histoire humaine tout compte fait.

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rougebresilRouge Brésil
Roman historique de Jean Christophe Ruffin paru chez Gallimard en 2014
Résumé de l'éditeur :
"La grande aventure des Français au Brésil est un des épisodes les plus extraordinaires et les plus méconnus de la Rennaissance.
Rouge Brésil raconte l'histoire de deux enfants, Just et Colombe, embarqués de force dans cette expédition pour servir d'interprètes auprès des tribus indiennes. Tout est démesuré dans cette aventure. Le cadre: la baie sauvage de Rio, encore livrée aux jungles et aux Indiens cannibales. Les personnages - et d'abord le chevalier de Villegagnon, chef de cette expédition, nostalgique des croisades, pétri de culture antique, précurseur de Cyrano ou de d'Artagnan. Les événements: le huis clos dramatique de cette France des Tropiques est une répétition générale, avec dix ans d'avance, des guerres de religion.
Fourmillant de portraits, de paysages, d'action, Rouge Brésil écrit dans une langue à l'ironie voltairienne, prend la forme d'un roman d'éducation et d'amour.
Mais plus profondément, à travers les destins et les choix de Just et de Colombe, ce livre met en scène deux conceptions opposées de l'homme et de la nature. Et il fait revivre le monde disparu des Indiens, avec sa cruauté mais aussi son sens de l'harmonie et du sacré, le permanent appel du bonheur..."
Et l'auteur nous dit : "[...] lui avait montré avec quelle facilité la haine peut se travestir en amour, la noirceur en beauté, la chasteté en corruption et comment les dehors de la tendresse pouvaient dissimuler la sombre volonté du meurtre."
Que tout cela nous apparait comme comtemporain !
 
"les guerres de religions sont toujours une providence pour les criminels. La violence tout à coup devient sainte; [...] licence leur est donnée par un Dieu d'accomplir les infamies dont ils ont longtemps rêvé."  
On pourrait dire la même chose des guerres entre nations ou des révolutions. Indépendament du caractère religieux des hommes peuvent trouver dans la défense de la patrie ou bien dans une idéologie politique des justifications à leur gout du meurtre ou leur esprit criminel. 
Dans cette France du bout du monde, un débat s'intitue entre tenant du Catholicisme et du Protestantisme. Mais ce n'est qu'un dialogue de sourd où le doute et la raison n'ont pas cours. L'un des protagonistes va lancer sans doute à bout d'arguments : 
- "Dieu n'est pas un affaire négociable." 
- "Oui, cessez, confirma-t-il de nous parler de raison, de débat, de compromis. On ne peut servir Dieu que par la force."
Voilà, il n'y avait plus rien à dire. Les armes avaient la parole.
Souvent ceux qui prêche l'amour, la justice, le bien ne le font que pour dissimuler ou contenir en eux la haine, le mal, leur dégout du monde et des autres. Assez de discours de prêches, d'imprécations. Place à l'exemple! Ce qui ne signifie pas que chaque individu doit êre irréprochable. Le monde deviendrait ennuyeux. Mais que l'on essaye pour le moins de se rappprocher de ce que l'on dit, de ce que l'on prétend être. Assumons ce que l'on est mais en sachant que le pire des défauts ou des péchés, c'est selon, est à coup sûr l'hypocrisie.
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cartespostalesCartes postales de Grèce

Un roman de Victoria Hislop publié aux éditions "Les Escales" en 2017 - disponible en Livre de Poche

Ellis Thomas vit à Londres. Elle s’ennuie et s’étiole dans un travail qui ne lui procure aucune satisfaction. Un jour le facteur lui dépose une carte postale de Grèce simplement signé A. Puis de semaine en semaine d’autres vont suivre à une cadence régulière sans qu’elle sache qui en est l’auteur ni pourquoi elle les reçoit.

Intriguée mais amusée par cette correspondance qui lui apporte un peu de soleil dans sa vie morose, elle commence à s’habituer quand les envois cessent.

Elle décide subitement d’entreprendre un voyage en Grèce. Alors qu’elle est sur le départ, lui arrive un paquet par la poste contenant un journal intime où est consigné le périple effectué en Grèce par le dénommé A.

Tandis qu’elle voyage en Grèce, elle décide de le lire. On découvre le parcours et les aventures de l’auteur en même temps que ceux d’Ellis. L’un et l’autre nous projètent dans l’âme grecque au gré de leurs visites et de leurs rencontres. On est entrainé à la découverte du pays et de son quotidien comme de son histoire récente ou antique. On finira aussi par connaitre le secret de cet homme, et de la blessure qui l'a poussé à la rédaction de ce journal, mais qui retrouve finalement la paix intérieure tout comme Ellis la joie de vivre en découvrant grâce à ce voyage où se niche le vrai bonheur et une forme de plénitude.

Un livre écrit d’une écriture douce et limpide, où se mélange les interrogations de deux êtres et la beauté d’un pays, la Grèce qui finit par les révéler à eux mêmes.

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entrezdanseEntrez dans la danse

Un roman de Jean Teulé aux éditions Presse Pocket - 2018

Le confinement a eu pour le moins cette vertu de nous rendre disponible pour la lecture. Dévorant les bouquins que je m’étais juré de lire et ceux que l’on m’a prêté, j’ai eu entre les mains ”Entrez dans la danse’ de Jean Teulé.

Il nous raconte un évènement exceptionnel et inexpliqué qui a commencé en juillet 1518. On peut lire ce passage tiré d’une chronique alsacienne de 1519 : ”Une étrange épidémie a eu lieu dernièrement et c’est répandue dans Strasbourg, de telle sorte que, dans leur folie beaucoup se mirent à danser et ne cessèrent jour et nuit, pendant deux mois sans interruption, jusqu’à tomber inconscients. Beaucoup sont morts.”

Depuis plusieurs années, la population étaient en proie à de nombreuses calamités : peste, choléra, syphilis, typhoïde, lèpre et j’en passe. Pour la quatrième année consécutives, les Strasbourgeois subissaient de grands froids, des inondations, une sécheresse détruisant les récoltes et finalement conséquence de tout ça la famine. Et en plus pour couronner le tout, on redoutait la menace, réelle ou fantasmée, d’une invasion turque. Devant autant de malheurs, une femme qui vient de commettre, poussée par l’extrême pauvreté, un infanticide, prise de tremblements se met à danser. Bientôt, c’est des dizaines puis des centaines de gens qui dansent jour et nuit sans arrêt dans Strasbourg. Ils danseront durant deux mois. Ce phénomène était quelque chose d’inédit qui ne s’était jamais produit et laissa les autorités désemparées.

On danse et on meurt d’épuisement. On ne parvient plus à enterrer les morts. Devant cette ”épidémie” les édiles de la ville sont démunis. Un jour ils prennent une décision qui s’avère sans effet. Alors le lendemain, ils décident le contraire. Le maire et ses adjoints demandent l’avis des médecins, du clergé, des autorités militaires, des astrologues et autres. Chacun y va de ces certitudes qui contredisent celles des autres. Des décideurs qui ne savent pas par quel bout prendre le problème, des ”spécialistes” qui disent blanc un jour et noir le lendemain, faut bien être au 16e siècle pour voir ça. Mais que faillait-il faire dans l'urgence ?

Il est finalement décidé d’accompagner les danseurs de musiciens pour les  encourager dans leur folie. Plus ils danseront, plus vite ils s’épuiseront et plus vite ils cesseront. Mais rien ni fait. La musique semble agir sur eux comme un stimulant. Alors les édiles revoient leur positions. Dorénavant, plus de musiciens. Finie la musique ! Le maire, reconsidérant le bien fondé de sa propre décisions, déclare : 

” - Je ne vois qu’une solution : interdiction de jouer de n’importe quel instrument ou que ce soit dans Strasbourg. […] 

- Plus aucun danseur dans les rues, hop-là ! … Qu’ils ne nous fassent plus chier dehors afin d’éviter l’épidémie. Mis en quarantaine à demeure, les onduleurs des hanches […]”

Une épidémie, une quarantaine. Voilà comme qui dirait un confinement. Confinés les danseurs continueront à se trémousser chez eux.

Et puis au milieu de tout ça, l’évêque et un certain clergé, gardien de l’horthodoxie, vivent dans le luxe et l’abondance, accaparant les victuailles qui font défaut au peuple et refusent de voir la misère qui les entoure. C’est à cette époque qu'un certain Martin Luther pointe le bout de son nez. Il veut réformer le clergé et l’on dit même qu’il envisage de fonder une religion nouvelle.

Dans la cathédrale un docteur en Ecritures Saintes lance un avertissement à l’évêque :

” - Je sens que l’on assiste à la naissance de quelque chose… Un vent mauvais souffle autour de la cathédrale.”

L’évêque enfermé dans ces croyances et qui ne peut imaginer la réussite de cette révolte réplique :

” - L’institution traditionnelle refusera l’arrivée de cette réforme dogmatique.”

”- Aura-telle le choix ?” Lui répond le clerc.

L’évêque l’interroge sur ce que veux Luther.

” - Il réclame que votre parole porte le cachet de vos bonnes oeuvres et qu’elle soit appuyée du témoignage de vos vertus.”

Voilà, c’était le monde d’avant. Luther le monde d’après. Ca pas été franchement mieux !

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     markaris03Trilogie de la crise

Trois romans : de Pétros Markaris

Aux éditions du Seuil (disponibles en livres numériques)

- Liquidation à la grecque - Le justicier d'Athènes - Pain, Education, Liberté

La crise grecque vue par cet auteur grec comptenporain de romans policiers. On retrouve pour ceux qui ont lu ses précédents ouvrages le commissaire Costas Charitos. Et le commissaire se transforme dans ces trois romans en médecin légiste. Un medecin légiste, qui nous donne à observer non pas les entrailles d'un cadavre, mais la société grecque, ses travers et ses errements sociétales et politiques depuis des décennies et peut-être même depuis la création de l'Etat moderne dans les années 1830. Petites combines ordinaires du peuple, corruption généralisée des élites.

Relevons ce passage d'un des ouvrages de cette trilogie : "L’État grec est la seule mafia au monde qui a réussi à faire faillite. Toutes les autres croissent et prospèrent."

Notons qu'avant cette "crise", l'Etat avait été déclaré deux fois en faillite, la première fois en 1893, la seconde en 1932. Des faillites dues sans doute à ses faiblesses structurelles mais aussi aux politiques des puissances occidentales à son égard. La Grèce est souvent tombée. On l'a peut-être par moment un peu poussée.

Voici les résumés de l'éditeur pour chacun des ouvrages :

"Mort aux banquiers ! À Athènes, on retrouve plusieurs personnalités du monde de la finance décapitées, tandis que des tracts inondent la ville, appelant les clients des banques à ne plus rembourser leurs emprunts. Le commissaire Charitos mène l’enquête, affrontant ses collègues, les éternels embouteillages d’Athènes et la crise qui ravage le pays. La patience et l’humanité de ce Maigret hellène le mèneront jusqu’à un bien étrange assassin…"

"De la ciguë. Comme pour Socrate. Tandis que chaque jour, Athènes, paralysée par des manifestations, menace de s'embraser, un tueur sème la mort antique. Mais en ciblant de riches fraudeurs fiscaux, d'assassin il devient héros populaire. Le stopper, c'est l'ériger en martyr; le laisser libre, c'est voir la liste des cadavres s'allonger. En bon flic, Charitos se doit de l'arrêter. En bon citoyen..."

"2014. À Athènes, la survie quotidienne est de plus en plus difficile pour les citoyens appauvris et pour les immigrés harcelés. C'est alors qu'un tueur en série jette son dévolu sur des personnalités d'envergure issues de la génération de Polytechnique qui, après s'être rebellées contre la junte militaire, ont eu une carrière fulgurante. Le criminel reprend le célèbre slogan des insurgés de l'époque pour formuler sa revendication : " Pain, éducation, liberté". 
Qui se cache derrière ces meurtres ? Un membre de l'extrême droite ou un ancien gauchiste mû par le désir de vengeance ? Le commissaire Charitos, privé de son salaire depuis trois mois, tente avec sa ténacité habituelle de comprendre les mobiles du coupable." 

 Nous vous conseillons également l'excellente analyse réalisée sur le site : openingeditions (cliquez sur l'icone pour y accèder)

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Pukhtu
 
Comment qualifier le genre de ces livres, "romans noirs", "thrillers", "polars"??? A vous de choisir ou pas. Le mieux c'est encore de les lire sans à priori.
Ecrit par DOA nom de plume d'un écrivain français et pseudonyme faisant référence à "Dead On Arrival" (la mort au bout), film américain des années 1950.
Paru en 2017 chez Gallimard.
Résumé de l'éditeur :
Primo  "Un chef de clan pachtoune en quête de vengeance après la mort de ses enfants dans une attaque de drone ; une société de sécurité privée aux relations troubles ; un ancien militaire français manipulé par la CIA pour infiltrer un réseau de mercenaires ; un conseiller occulte de la République française aux étranges amitiés ; deux journalistes prêts à sacrifier leur carrière et plus encore pour la vérité. 
Les destinées de ces personnages à l'ombre du monde se lient dans une vaste fresque noire, terriblement actuelle, entre Asie centrale, Afrique, Amérique du Nord et Europe. Vertigineux."
Segundo "Quelque part entre les montagnes d'Afghanistan, les vallées du Kosovo, les rivages du Mozambique et les belles avenues parisiennes, les personnages de Pukhtu : Primo continuent de se battre, entre eux, contre eux-mêmes, gagnés par la fièvre de la guerre, pris dans l'écheveau d'un trafic de drogue mondialisé. Leur quête de vengeance, de pouvoir, de vérité et d'honneur va bientôt toucher à sa fin, au terme d'un suspense noir et puissant. 
La fin d'un long voyage clandestin, d'un cycle, d'une époque."
Il y a du James Ellroy dans cet écrivain. Même densité, même style d'écriture, même documentation, même attirance pour le détail. Ces deux volumes peuvent se comparer à la trilogie "American Underworld Trilogy". 
Ces ouvrages n'ont apparament rien de commun. L'une des histoires commencent en 1555, l'autre est comptemporaine. L'une se déroule sur une partie du territoire que l'on nommait à l'époque "la France antartique" et qui deviendra le Brésil, l'autre principalement en Afghanistan avec des ramifications en Afrique et en en France. Et pourtant...
On y retrouve des conflits armés, des guerres de religion, des profiteurs de guerre, la violence, la pasion, l'amour, le sexe, la haine, la recherche du pouvoir, la fidélité, l'honneur, la trahison, l'intrigue, la vengeance, le crime, le gout du lucre, l'esprit de sacrifice, l'obscurantisme, l'idéalisme, la violence, les deux souvent mêlées. 
On y fait le mal autant par mauvaises intentions que par idéalisme. Et puis toujours... la méfiance voire la haine des femmes.
On y trouve le caractère tragique d'un monde dans le lequel on ne peut échapper à ces passions, à ces turpitudes. Irrémédiablement, oui diablement. De l'un à l'autre, tout recommence comme si le temps était cyclique, comme si le présent n'était qu'une répétition à peine différente du passé non pas dans une rigoureuse exactitude historique mais toujours provoquée par les mêmes causes et les mêmes sentiments qui les motivent. Comme si la liberté des destins individuels, ne pouvait s'exercer que dans les contraintes d'un contexte que nous ne choisissont pas. Un contexte différent mais étrangement semblable. Un peu comme la même pièce de théatre à jamais écrite qui se rejouerait dans des décors différents.

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Ferrey01 Zulu / Mapuche / Condor

Auteur : Caryl Ferey

Publiés en 2008 - 2012 - 2016 aux éditions Gallimard - disponibles en Folio policier

 Les résumés de l'éditeur :

Zulu : "Enfant, Ali Neuman a fui le bantoustan du KwaZulu pour échapper aux milices de l'Inkatha, en guerre contre l'ANC, alors clandestin. Même sa mère, seule rescapée de la famille, ne sait pas ce qu'elles lui ont fait... Aujourd'hui chef de la police criminelle de Cape Town, vitrine de l'Afrique du Sud, Neuman doit composer avec deux fléaux majeurs : la violence et le sida, dont le pays, première démocratie d'Afrique, bat tous les records. Les choses s'enveniment lorsqu'on retrouve la fille d'un ancien champion du monde de rugby cruellement assassinée dans le jardin botanique de Kirstenbosch. Une drogue à la composition inconnue semble être la cause du massacre. Neuman qui, suite à l'agression de sa mère, enquête en parallèle dans les townships, envoie son bras droit, Brian Epkeen, et le jeune Fletcher sur la piste du tueur, sans savoir où ils mettent les pieds... Si l'apartheid a disparu de la scène politique, de vieux ennemis agissent toujours dans l'ombre de la réconciliation nationale…"

Mapuche : "Rubén, fils du célèbre poète Calderon assassiné dans les geôles de la dictature argentine, est un rescapé de l'enfer. Trente ans plus tard, il se consacre à la recherche des disparus du régime de Videla. Quand sa route croise celle de Jana, une jeune sculptrice Mapuche qui lui demande d'enquêter sur le meurtre de son amie Luz, la douleur et la colère les réunissent. Mais en Argentine, hier comme aujourd'hui, il n'est jamais bon de poser trop de questions, les bourreaux et la mort rôdent toujours…"

Condor : "Dans le quartier brûlant de La Victoria, à Santiago, quatre cadavres d'adolescents sont retrouvés au cours de la même semaine. Face à l'indifférence des pouvoirs publics, Gabriela, jeune vidéaste Mapuche habitée par sa destinée chamanique et les souffrances de son peuple, s'empare de l'affaire. Avec l'aide de son ami Stefano, militant rentré au Chili après plusieurs décennies d'exil, et de l'avocat Esteban Roz-Tagle, dandy abonné aux causes perdues qui convertit sa fortune familiale en litres de pisco sour, elle tente de percer le mystère. Dans un pays encore gangrené par l'héritage politique et économique de Pinochet, où les puissances de l'argent règnent en toute impunité, l'enquête dérange, les plaies se rouvrent, l'amour devient mystique et les cadavres s’accumulent..."

 Commentaires :

Avec Caryl Ferey, on se perd un peu entre une multitude de personnages et des rebondissements à chaque pages. Raison de plus pour le lire. Et puis ça tombe bien, j’adore me perdre. Bref, il faut lire Ferey pour son sens de l’intrigue. On peut lui reprocher des scènes qui tournent parfois un peu au western. Ces héros apparaissent par moment comme jouant un peu trop au superman dans des situations d'où ils se sortent par miracle. 

Mais il a le don d’insérer l’histoire fictive de ses personnages dans la grande histoire, celle avec un grand H, comme l’on dit. Et il nous rappelle justement qu’il ne faut pas oublier que cette grande histoire est faite de destins individuels, d’histoires cruelles, de vies brisées, d’amour, de haine, de passion, d’idéalisme et d’égoïsme, d’actes héroïques et de saloperies. Encore une fois, il faut lire Ferey, c’est passionnant quand il nous entraine dans un labyrinthe d’intrigues romancées qui finissent toujours par remonter à la surface de notre réalité.

Voici un extrait tiré de Zulu : "Krugë étouffait l’affaire pour des raisons qui lui échappaient, ou plutôt qui le dépassaient. Mais Brian n’étai pas dupe. Face à la concurrence des marchés mondiaux, les Etats souverains ne pouvaient quasiment rien faire pour endiguer les pressions de la finance et du commerce globalisé, sous peine de s’aliéner  les investisseurs et menacer leur PNB : le rôle des Etats se cantonnait aujourd’hui à maintenir l’ordre et la sécurité au miieu du nouveau désordre mondial dirigé par des forces centrifuges, extraterritoriales, fuyantes, insaisissables. Plus personne ne croyait raisonnablement au progrès : le monde était devenu incertain, précaire, mais la plupart des décideurs s’accordaient à profiter du pillage opéré par les flibustiers de ce système fantôme en attendant la fin de la catastrophe. Les exclus étaient repoussés vers les périphéries des mégalopoles réservées aux gagnants d’un jeu anthropophage où télévision, sport, pipolisation du vide canalisaient les frustrations individuelles, à défaut de perspectives collectives."

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LaoutermineterreLà où se termine la terre (Chili 1948 - 1970)

Auteur : Désirée et Alain Frapier

Editeur : Steinkis (2017)

 Résumé :

"Là où se termine la terre, c’est l’histoire de Pedro.
 Là où se termine la terre, c’est l’histoire du Chili."

À travers l’enfance et l’adolescence de Pedro, on revit le bouillonnement d’un quart de siècle d’histoire chilienne, rythmé par la Guerre froide, la révolution cubaine et les espoirs qui accompagnent l’élection de Salvador Allende.

Avec tendresse et nostalgie, Désirée et Alain Frappier dressent le portrait d’un héros fragile et de sa terre du bout du monde."

Pedro est le fils de l'écrivain chilien Guillermo Atias (1917-1979). Ce roman graphique retrace son histoire intime mais aussi l'histoire de son pays. On découvre le Chili avec les idées politiques qui traversent la période et ses luttes sociales mais également avec ses paysages, volcans, glaciers et montagnes de Patagonie, ses bords de mer etc...  ses ambiances urbaines et sa campagne. Le récit nous amène jusqu'à la victoire de Salvador Allende à l'élection présidentielle en 1970. 

Militant politique du MIR (Mouvement de la gauche révolutionnaire), Pedro sera contraint de s'exiler en France après le coup d'Etat du général Pinochet, un 11 septembre 1973.

 

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