Le temps qu'il fait - Mort d'un pourri
Evidemment une grande majorité de responsables politiques sont des gens honnêtes et soucieux de l’interêt général. Mettre en exergue certaines dérives ce n’est pas jeter le discrédit sur ceux qui se dévouent pour le bien commun. C'est pourtant ce qui a été reproché au livre et au film. A tort, me semble-t-il. Surtout que rien n'empêche, au contraire de mettre en lumière ce qui voudrait bien rester secret.
De plus, certains passages disent quelques vérités sur les gouvernants et… les gouvernés. Et puis, rien que pour les dialogues d'Audiard.
« Mort d’un pourri ». J’en entends déjà que se disent : oui mais lequel ? C’est vrai qu’il n’en manque pas. Mais là je parle du titre d’un bouquin de Raf Valet pseudonyme du journaliste Jean Laborde, paru aux éditions Gallimard en 1972. En 1977 Georges Lautner en fera un film. Le scénario et les dialogues seront écrits par Michel Audiard.
Dans cette histoire on y trouve comme, il l’écrit : « Beaucoup de politiciens, pas mal de clowns, quelques duchesses, pas mal de putes, la qualité française, quoi ».
Peut-on dire que le roman comme le film n’ont pas pris une ride ? Peut-être parce que l’histoire convient encore parfaitement à la France, l’Europe … et le reste de la planète des années 2020. Et, je pense qu’il n’est pas près de se démoder.
Comme on peut lire dans un passage du bouquin : « Je ne crois pas que tu aies compris ton époque, Xav. Tu es honnête comme l’étaient nos pères ou plutôt nos grands-pères. Ça ne correspond plus à rien. Qu’est-ce que ça peut te foutre qu’un ministre ou un directeur de cabinet s’engraisse ? Qu’est-ce que ça change à l’économie dans son ensemble ? L’essentiel est qu’on construise, qu’on produise, qu’on donne au public ce qu’il désire, à bouffer, à boire, à baiser, à rouler en voiture. Va dans la rue et dit au premier venu : le président de la République croque des millions. Il te répondra : laissez, mon vieux, il fait comme les autres. Ou bien : j’aimerais bien en faire autant. Mais tu ne le feras pas grimper sur une barricade. Supprime le tiercé ou rationne l’essence, tu as une révolution ».
Et oui, c’est facile aussi d’accabler ceux qui nous dirigent.
Dira-t-on que l’on fait là l’apologie du « tous pourris » ? Certains s’empresseront d’y voir des relents de « populisme » comme ils disent. Nous avons là une histoire qui veut montrer, point barre. C’est un instantané du quotidien de notre monde où les financiers ont gagné la guerre, où l’on cherche à nier l’identité des peuples que l’on vaudrait interchangeables, où les Etats tendent à disparaitre au profit de puissances privées. Les Etats que l’on transforme en «startup».
Encore Audiard :
- « Mon pays, vous n’en avez rien à foutre ? ».
- « C’est exact. Des autres pays non plus, d’ailleurs. En attendant que s’installe l’Internationale des prolos, on a mis en place l’Internationale du pognon. C’est plus sérieux, croyez-moi. Les mots comme belligérants ou alliés n’ont plus de sens. Nous n’avons plus d’amis, nous avons des partenaires. Nous n’avons plus d’ennemis, nous avons des clients. Le capital ne connaît plus de frontières (...). Votre dernier grand chef d’Etat ne vous a pas envoyé dire que vous étiez des veaux (...). L’essentiel est de construire, de produire, de donner aux veaux ce qu’ils désirent, à bouffer, à boire, à baiser, à partir sur l’herbe le samedi, avec quelques transhumances en altitude l’hiver ».
Ou encore : « Ce que mon père appelait vache à lait s’appelle aujourd’hui l’Europe à quatre, à six, à neuf, toutes les combinaisons sont bonnes ».
On n’y fait pas de morale, on apporte des éléments. On ne juge pas on donne juste à sentir. Et ça ne sent pas très bon parfois.
Mais enfin c’est les affaires. Et les affaires, c’est bon pour tout le monde à ce qu’on dit.
Encore une citation du film pour conclure : «Les combinards d’aujourd’hui occupent le temple, dirigent les journaux, subventionnent les campagnes électorales, font élire ceux qui ensuite leur distribueront les marchés, leur accorderont tous les passe-droits ; ils forment l’élite de demain. Nous allons vers l’époque du voyou de droit divin ».
L’avenir est radieux.
Jean Pierre Richard