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Airdutemps 

 

Le temps qu'il fait -  Laissez moi rire !

 

 Rire Biere

"Le rire est à l'homme ce que la pression à la bière". (Pierre Dac)

Dans le n° 1410 du Courrier International du 9 au 15 novembre 2017, je suis tombé sur un article originellement publié par Ali Saad Al-Moussa dans Al Watan le 29 octobre 2017.

On peut résumer l'article ainsi :

L'auteur décide d'aller avec son épouse dans un centre commercial de Djeddah (Arabie Saoudite). Ils se promènent dans les allées et sont abordés par deux individus qui mettent en doute la moralité de leur relation.

Il écrit : "L'un m'a dit sur un ton lapidaire, que j'avais ri au-delà du convenable avec cette "trainée". J'ai juré que c'était bien mon épouse, mais ils ont immédiatement poussé plus loin leur inquisition..."

Les deux hommes continuent à les interroger. "Finalement n'ayant rien trouvé pour étayer leurs graves accusations, ils m'ont dit : "Va mais ne ris pas !" Avec ceux là, mon pays n'était pas loin de décréter l'interdiction de sourire et de rire, même en famille."

En lisant cela, je me suis souvenu d'un roman "Le Nom de la rose" de Umberto Eco, paru en 1980. Ce roman peut être qualifié de policier médiéval. Il a été adapté au cinéma par Jean Jacques Annaud en 1986, avec notament Sean Connery dans le rôle principal.

NomRoseNous sommes en 1327, rien ne va plus dans la chrétienté. A cette époque l'Eglise se voit disputer son pouvoir spirituel et temporel. C'est aussi l'apogée de l'inquisition. L'hérésie a pignon sur rue. Guillaume de Baskerville arrive dans une abbaye située entre Provence et Ligurie. Elle est connue dans tout l'Occident pour l'érudition de ses moines et la richesse de sa bibliothèque. Il est aussitôt mis à contribution. La veille, un moine s’est jeté ou a été jeté du haut des murailles. Il va mener l'enquête aidé du jeune novice Adso von Melk dans le climat de conflit idéologique entre les franciscains et l'autorité pontificale en ce qui concerne la pauvreté du Christ . C’est le premier des assassinats. Il y en aura d'autres sur fond de stupre, de vice et d'hérésie.

L'intrigue va se déplacer vers un ouvrage que l'on croyait disparu et qui traite du rire. Jorge de Burgos, le bibliothéquaire, développe une argumentation sur le danger que peut représenter le recours au rire et lui attribue un caractère démoniaque. Il cache, empoisonne et brûle le deuxième livre de la Poétique d’Aristote, sur la comédie et le rire. La force du rire selon lui, « atteint l’effet de ridicule en montrant, chez les hommes communs, les défauts et les vices ». Pourtant, Jorge voit dans le rire « une pollution diurne qui décharge les humeurs » ; il « libère le vilain de la peur du diable ». « Quand il rit, tandis que le vin gargouille dans sa gorge, le vilain se sent le maître, car il a renversé les rapports de domination ». Il conclut : « Si le rire est le plaisir de la plèbe, que la licence de la plèbe soit tenue en bride et humiliée, et sévèrement menacée». Ainsi Jorge condamne-t-il l’existence du rire, d’essence satanique, car rire de tout serait rire de Dieu….

Sept siècles plus tard, le rire apparait encore de toute évidence démoniaque à certains. Le Dieu sévère des intégristes médiévaux ne supporte pas la rigolade. Celui des intégristes modernes non plus. Et leurs anathèmes contre le rire ont les mêmes conséquences liberticides.

Comme l'écrivait, Dominique Fernandez, un critique de l’Express à propos du livre. "Sous sa forme amusante de roman policier et de savante devinette érudite, c'est un vibrant plaidoyer pour la liberté, (...), menacées de tous côtés par les forces de la déraison et de la nuit". 

Aristote écrivait : « l’homme est un animal politique », mais le seul qui sache rire. Car « le rire est le propre de l’homme » selon Rabelais. Bergson ajoutant qu’il « n’y a pas de comique en dehors de ce qui est proprement humain". Aussi naturel qu'il soit le rire est une liberté, conquise mais ont le voit jamais acquise comme toutes les libertés. Car rire, même si cela déplait aux pisse froid qui se parrent de leurs vérités inattaquables qu'elles soient religieuses, idéologiques ou morales pour établir ou maintenir leur emprise sur les esprits, reste une saine et indispensable liberté.

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On comprend mieux la haine dont a fait ou fait encore l'objet "Charlie Hebdo"Prenons garde à ne pas cesser de rire, même de tout, car comme l'écrivait Pierre Dac : Le sarcastique et prophétique proverbe qui dit : " rira bien qui rira le dernier" gagnerait à être modifié en : quand celui qui rit le dernier a bien fini de rire, personne ne rigole plus".

Alors, laissez moi rire !

Richard Jean Pierre.